Sélectionner une page

John Deneuve

Artiste
NÉE EN 1976 À Annecy
Vit et travaille à Marseille

« À première vue, les dessins et peintures de John Deneuve paraissent assez décalés et anachroniques, voire pour certains complètement barrés. Tous, par leurs couleurs criardes, leurs formes basiques et les collisions d’éléments hétéroclites qui les constituent, rappellent en tout cas indéniablement les dessins réalisés par nos chères petites têtes blondes. Sortis tout droit de l’imagination de l’artiste, les différents personnages, formes ou situations couchés sur le papier oscillent entre bestiaire hirsute, exercice psychanalytique et nostalgie d’une époque révolue. On peut ainsi croiser un poussin coiffé d’un bonnet phrygien, une poule à trois – quatre ? – becs, des formes colorées sans queue ni tête – d’autres avec queue, mais pas de tête – ou des arbres pourvus de bras, pour ne citer que quelques exemples. Impossible de donner une signification unique à chaque dessin tant ils sont étranges et polymorphes. Quelques éléments récurrents permettent toutefois de lier l’ensemble, comme ces images qui évoquent les clowns de Bernard Buffet, mais aussi des formes qui font écho à l’abstraction lyrique de Wassily Kandinsky ou à l’orphisme cher à Robert Delaunay, et certains éléments géométriques qui rappellent les constructions géodésiques de Richard Buckminster Füller. Toutes ces références se confrontent dans un joyeux bordel et donnent naissance à des scènes pour le moins cocasses. Il serait toutefois malvenu de réduire ces travaux à leur simple aspect formel. En effet, si leur traitement fait clairement référence au monde de l’enfance, John Deneuve cherche par ce biais à dénoncer l’absurdité de nos sociétés contemporaines, qui ne laisse pas de place au doute ou aux atermoiements. À l’inverse, ici, c’est plutôt le règne de l’ambivalence, de la remise en cause et du questionnement permanent. Ce que nous avons devant les yeux ne se révèle pas immédiatement et, insidieusement, le doute finit par s’installer en nous. En projetant volontairement des éléments de l’enfance dans l’espace adulte, l’artiste instaure un climat d’« inquiétante étrangeté », une troublante instabilité. Cette désorientation est véritablement le coeur de son travail, et l’intrusion d’éléments du monde sexuel adulte – langues, formes allongées, voire phalliques… – participe également de cela, tout comme les titres de certaines séries – Parade nuptiale, Contamination par l’objet, Implants mammaires – brouillent les pistes, distordent la réalité et nous plongent dans son univers pour le moins singulier. Ces dessins s’inscrivent par ailleurs dans une démarche plus globale de l’artiste, qui n’hésite pas à user de cette dichotomie enfant/adulte pour transmettre les messages et les idées qu’elle souhaite défendre. On retrouve donc dans ses installations et objets de nombreux éléments liés à l’enfance, tels des jouets transformés, une manière de s’adresser à l’auditeur comme à un enfant et un traitement parfois infantilisant. Quant à son Programme de pré-intégration par le coloriage, il consiste à donner à colorier les logos de l’ANPE, de la CPAM ou de la CAF à des enfants, afin qu’ils puissent se familiariser dès leur plus jeune âge avec les administrations françaises auxquelles ils seront confrontés par la suite. Constat d’échec aussi lucide que déprimant sur les politiques sociales mises en place ces dernières années dans notre pays… En mêlant ainsi deux mondes antinomiques, l’artiste fait sienne les théories de Guy Debord sur le détournement : « L’interférence de deux mondes sentimentaux, la mise en présence de deux expressions indépendantes, dépassent leurs éléments primitifs pour donner une organisation synthétique d’une efficacité supérieure. Tout peut servir ». John Deneuve cherche dans sa pratique à mettre en relation des éléments qui n’ont a priori aucun lien, mais qu’elle manie subtilement pour mieux les pervertir et nous interpeller sur les méfaits de la pensée unique, de l’uniformisation et des pièges de la « société du spectacle ».

Texte de Antoine Marchand : Badly drawn stuffs, extrait de « Parade Nuptiale », in catalogue John Deneuve, Images en Manoeuvres éditions, 2011

Site de l’artiste :
https://johndeneuve.com/

 

Exposition Bad Girls go to hell 
Du 30 août au 6 octobre 2018

art-cade*
Galerie des grands bains douches de la Plaine

35 bis rue de la Bibliothèque
13001 Marseille, France
Tél. : 04 91 47 87 92

Horaires d'ouverture
Du mardi au samedi de
15h00 à 19h00

art-cade* est membre du réseau

© art-cade* 2013-2020